Dans notre pratique de l’Aïkido / Aïkitaï-Jutsu / Buki-waza, il est un aspect que nous abordons peu et qui pourtant peut avoir un impact important sur notre vie : la loi. Il est utile de
s’interroger sur notre art martial au regard de la législation française. Alors que, dans certains sports, la connaissance des articles de loi fait partie du programme, cet aspect n'est que peu
évoqué sur le tatami. Il est pourtant source d’incompréhension ou d’erreur pour ce qui concerne :
• les armes
• la légitime défense
Cet article n’a pas pour but de fournir une explication détaillée et complexe mais de présenter la législation française actuelle afin que le pratiquant puisse en appréhender les bases.
Les armes
Commençons par le plus simple : les armes.
Oui, nous parlons bien d’armes. Jo, boken, tambo, tanto ou encore les sabres (iaï et katana) sont tous des armes et, de ce fait, sont soumis à une législation. Il s’agit d’armes de catégorie D
(6ème catégorie dans l’ancienne réglementation).
Article R311-2 :
Ce sont des armes par nature car leur fonction première est d’être une arme.
A partir du moment où l’acheteur et le vendeur ont plus de 18 ans, la vente, l’achat et la possession de ces armes est libre et ne nécessite pas une déclaration officielle. En revanche, leur port
et leur transport sont réglementés.
Le port en est interdit. Il est par exemple impossible de sortir avec son katana accroché à la ceinture ou avec son jo sur
l’épaule.
Leur transport est autorisé sous conditions :
• Le transport doit être légitime : aller à un cours ou un stage, les faire réparer ;
• Le détenteur doit être en possession de sa licence (fédérale) en cours de validité ;
• Les armes doivent être stockées dans un étui fermé et donc inutilisables immédiatement et de préférence placées dans le coffre de la voiture.
Pour les détenteurs de katana, ces règles sont d’autant plus vraies que les lames sont tranchantes. Les forces de l’ordre seront donc plus rigoureuses.
Pour aller un peu plus loin :
• LOI n° 2012-304
du 6 mars 2012 relative à l'établissement d'un contrôle des armes moderne, simplifié et préventif
• Armes de 6eme catégorie : achat, port et transport d'armes
• Armes : à quoi correspondent les
différentes catégories ?
La légitime défense
La légitime défense est un domaine plus vaste et complexe à appréhender ; elle fait appel au jugement et à des notions qui, au premier abord, peuvent paraître obscures. Elle est définie par les
articles 122-5 et 122-6 du code pénal.
Article 122-5 : « N'est pas pénalement responsable la personne qui,
devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d'elle-même ou d'autrui, sauf s'il y a
disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l'atteinte. »
Article 122-6 : « Est présumé avoir agi en état de légitime défense
celui qui accomplit l'acte :
- 1° Pour repousser, de nuit, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité ;
- 2° Pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence. »
La légitime défense s’applique lorsque l’on est personnellement concerné par une agression ou que l’on se porte au secours d’une personne agressée. Elle répond à des critères précis et cumulatifs.
L’attaque doit être : actuelle, réelle et injustifiée.
Actuelle : le danger est immédiat.
Injustifié : la personne concernée est victime d’une agression et n'est pas à l'initiative de l'agression.
Réelle : l’agression doit être effective et non imaginaire (putative).
La défense doit être : simultanée, nécessaire et proportionnelle.
Simultanée : la défense face à l’agression doit être immédiate. Le fait d’anticiper l’agression (Sensen no sen) et de placer une technique ne peut être considéré comme une réponse immédiate (dans ce cas, le geste transforme en auteur d'agression celui qui pense se défendre). Il s'agit uniquement de défense, non de vengeance et il n'est pas possible de continuer si l’assaillant bat en retraite ou s'enfuit.
Nécessaire : il n'existe aucun autre moyen de se soustraire au danger.
Proportionnelle : Il ne doit pas y avoir d'excès dans la riposte : une arme à feu ne peut pas être utilisée contre un agresseur à main nue. Dans les faits, cela est plus compliqué car la proportionnalité est liée aux dégâts engendrés et pas nécessairement aux moyens utilisés. S'il
est question de faire face à plusieurs agresseurs et/ou que le ou les agresseurs sont armés, la notion de proportionnalité est à réévaluer, car les dégâts physiques peuvent être beaucoup plus importants.
L’état de légitime défense devra être prouvé « a posteriori » et ne va donc pas de soi, car il doit impérativement correspondre à tous les critères exposés ci-dessus. Cette appréciation après coup sera faite par des magistrats.
NB : résister aux forces de l’ordre lors d’une manifestation ou d’une arrestation n’est en aucun cas considéré comme de la légitime défense.
Après une agression, il est fortement conseillé de déposer une plainte en précisant la date, l'heure, le lieu de l'agression et de faire une description la plus précise possible du ou des agresseurs. Contrairement à ce qui est dit sur le net, il n’y a pas d’antériorité de culpabilité entre celui qui dépose plainte en premier et celui qui dépose en second. On peut en effet lire parfois que « le premier qui dépose gagne le procès », mais cela est faux. On peut donc déposer une plainte bien après les faits, sauf s'il y a prescription de l'action commise.
Il est impératif de préciser qu’il faut aussi porter secours à son agresseur ou au moins appeler les secours pour l'aider. Sinon la personne qui se défend peut être reconnue en état de légitime défense puis, dans un second temps, poursuivie pour non-assistance à personne en danger (Article 223-6 du code pénal).
Pour les « ceintures noires » :
Dans l’imagerie populaire une ceinture noire est invincible et maîtrise parfaitement son art. Évidemment, cela n’est pas vrai. Être détenteur d’un grade DAN ne fait cependant pas de nous une
arme, mais démontre un certain contrôle et certaines connaissances théoriques. Dans la pratique, nous savons qu’il y a un univers entre un premier et un 7ème DAN.
Plus le grade sera élevé, plus la Justice attendra une riposte adaptée. La Justice fait de plus en plus souvent appel à des experts pratiquants afin d’avoir leur avis et cet avis peut être plus
sévère s'il s'agit d'un pratiquant expérimenté. Par exemple, il sera impossible, pour un haut gradé, de broyer le poignet d’un agresseur qui a essayé de le frapper au visage (il n’y a pas de
proportionnalité de la riposte).
Pour aller plus loin :
• Service public: Qu'est-ce que la légitime
défense ?
• Wikipédia : La légitime défense
• La non assistance à personne en danger et l'omission de porter secours à personne en
péril
Cet article est loin d'être exhaustif et ne vaut que pour la législation française, la notion de légitime défense variant d’un pays à l’autre, tout comme la législation sur les armes (le nunchaku est, par exemple, totalement interdit en Belgique).
Remerciements à MD à l’initiative de l’article et Eric FOLL du SARC / Nihon Taï Jutsu pour son aide.